Un monde sans publicité

La publicité s’est imposée comme un des principaux fondements l’économie. Elle ne se contente plus de vanter un produit : elle fabrique des désirs, occupe nos imaginaires, colonise nos espaces visuels et mentaux. Pourtant, rares sont celles et ceux qui en sortent véritablement satisfait-e-s. Et si, du jour au lendemain, nos villes, nos écrans, nos journaux, redevenaient muets du vacarme des marques ? Continuer de lire Un monde sans publicité

Faut-il avoir fait des études pour pratiquer la philosophie ?

La philosophie est une discipline qui étudie les questions que l’être humain peut se poser sur lui-même ainsi que l’examen des réponses qu’il peut y apporter. Elle semble, à première vue, indissociable d’une formation intellectuelle longue et exigeante. Pourtant, son origine et sa vocation démocratique invitent à repenser cette dépendance à l’égard de l’institution académique. Peut-on, dès lors, philosopher quotidiennement sans avoir étudié la philosophie ? Continuer de lire Faut-il avoir fait des études pour pratiquer la philosophie ?

Nécropolitique et post-colonialisme : « faire vivre et laisser mourir »

Le terme de nécropolitique, inspiré des analyses de Michel Foucault, a été forgé par le politologue et historien camerounais Achille Mbembe. Ce concept met en lumière le « droit » qu’exercent aujourd’hui les États de décider qui peut vivre et qui doit mourir, dans un ordre mondial où le racisme demeure la matrice du pouvoir. Mais l’œuvre de Mbembe ne s’arrête pas à ce constat tragique. Dans La communauté terrestre (2023), il appelle à réinventer la démocratie à partir d’une éthique du vivant, fondée sur la reconnaissance de notre interdépendance avec la Terre. Cette pensée, qu’il décrit comme la « dernière utopie » de l’humanité, cherche à substituer à la logique de mort un horizon commun de vie partagée. Continuer de lire Nécropolitique et post-colonialisme : « faire vivre et laisser mourir »

Jésus était-il de gauche ?

Certes, il est un peu anachronique que d’appliquer à un homme du 1er siècle les clivages politiques hérités de la révolution française et de la modernité occidentale. Pourtant, le message de Jésus Christ semble, à bien des égards, résonner avec des idéaux qu’on associerait spontanément à la gauche : justice sociale, solidarité, égalité, compassion envers les plus faibles, dénonciation de l’hypocrisie morale et de l’accumulation des richesses, etc. Mais alors, comment se fait-il que le christianisme contemporain soit si souvent aligné avec les forces conservatrices, antisociales et réactionnaires ? Continuer de lire Jésus était-il de gauche ?

L’interminable règne du macronisme

Le macronisme produit une dévastation sociale et démocratique mesurable : un pays fracturé, des institutions asphyxiées, des inégalités immenses, un peuple condamné à l’incertitude… Dans cette lente et douloureuse agonie, François Bayrou et les autres figures interchangeables du pouvoir font figure d’intrigants délabré-es, usant ad nauseam de la même doctrine comme seul vaccin face à un virus inoculé par leurs propres réformes. Continuer de lire L’interminable règne du macronisme

L’éco-anxiété n’est pas pathologique, le déni écologique oui

L’éco-anxiété souvent décrite comme une détresse psychique liée à la conscience des dérèglements écologiques globaux, demeure un concept jeune, à la fois polysémique et en pleine expansion dans les champs de la psychologie clinique, de la sociologie et de la philosophie environnementale. Ce type d’anxiété s’inscrit dans un continuum émotionnel complexe, où se mêlent le chagrin, la peur, l’impuissance mais aussi l’amour, la mémoire et la lucidité. Trop souvent banalisée, dépolitisée et réduite à des responsabilités individuelles, l’éco-anxiété devrait plutôt être considérée comme un langage émotionnel sain, une réaction auto-immune contre la violence d’un monde qui s’effondre et dont le déni a des conséquences mortelles. Continuer de lire L’éco-anxiété n’est pas pathologique, le déni écologique oui

L’Intelligence artificielle nous rend-elle plus cons ?

Il fut un temps, pas si lointain, où la page blanche, angoisse des étudiant-es, des chercheur-euses ou des écrivain-es, révélait une lutte intérieure — celle du verbe qui se cherche, du sens qui résiste. Aujourd’hui, cet exercice, parfois ingrat, se résume à une question glissée dans une interface, suivie d’une réponse instantanée, bien polie, bien structurée. Mais à force de déléguer à la machine le soin de formuler nos idées, une question s’impose : l’intelligence artificielle ne nous rend-elle pas un peu plus cons ? Cette intuition désagréable, le Massachusetts Institute of Technology l’a récemment soumise à l’épreuve de la science… Continuer de lire L’Intelligence artificielle nous rend-elle plus cons ?

La paresse comme résistance à l’absurdité du monde

La notion de paresse est profondément relative, car elle découle d’une hiérarchie des activités humaines façonnée par les logiques dominantes du capitalisme. Ce que l’on nomme « paresse » n’est bien souvent que l’absence de participation au travail producteur de valeur marchande — cette valeur étant définie de manière étroite et économiciste, comme ce qui génère du profit ou peut être quantifié dans un PIB. Dans cette perspective, soigner un proche sans être rémunéré, contempler un paysage, réfléchir longuement à une idée, ou simplement prendre soin de soi, sont autant d’actes discrédités, car non rentables. Contre la logique absurde du profit, le refus de faire peut alors devenir un geste conscient de désertion.  Continuer de lire La paresse comme résistance à l’absurdité du monde

Crépuscule hégémonique et sursaut autoritaire : quand les élites résistent à leur déclin

Actuellement, les réseaux de diffusion d’informations, qu’ils soient traditionnels ou numériques, appartiennent majoritairement à des acteur-ices économiques qui défendent leurs propres intérêts de classe. Ces milliardaires, en investissant dans les médias, ne se contentent pas d’exercer une influence purement économique ; ils cherchent à assurer la perpétuation d’un récit historique souvent empreint de visions colonialistes, racistes, misogynes et inégalitaires (vous savez très bien de qui on veut parler). Ce récit, qui s’est longtemps présenté comme le fondement d’un ordre établi, trouve ici un terrain favorable pour se perpétuer, les réseaux de communication jouant un rôle central dans la formation de l’opinion publique et la diffusion de valeurs conservatrices.

Toutefois, même si le discours dominant est soigneusement élaboré et diffusé à grande échelle, ses effets ne semblent pas totalement implacables face aux mutations sociétales. Les travaux récents en sociologie montrent que cette hégémonie rencontre des résistances significatives, notamment à travers la multiplication des voix alternatives et des réseaux de dissidence. Continuer de lire Crépuscule hégémonique et sursaut autoritaire : quand les élites résistent à leur déclin

Pourquoi tous vos potes veulent courir des marathons ?

Un phénomène étrange s’est imposé au fil des dernières décennies : la multiplication des marathons et des défis sportifs extrêmes. Jadis réservée à une élite d’athlètes, la course de fond est devenue une pratique courante, un rite de passage presque incontournable pour nombre d’individus en quête d’accomplissement personnel. Mais pourquoi un tel engouement ? Que révèle cette soif de dépassement physique sur notre époque ? Continuer de lire Pourquoi tous vos potes veulent courir des marathons ?

La fête : émanciper ou neutraliser les foules ?

La fête s’impose aujourd’hui comme un étrange sanctuaire, un moment où les frustrations accumulées au fil des jours s’évaporent dans le tumulte de la musique et de verres qui s’entrechoquent. Au bureau, dans l’usine, à l’école, à la maison, souvent face à un écran, l’individu moderne endure l’inertie d’un monde où tout semble déjà joué. Les politiques, perçues à raison comme déconnectées, méprisantes et cyniques, s’ajoutent à ce sentiment d’impuissance encombré de catastrophes écologiques inéluctables. Chaque semaine, ces tensions se cristallisent, s’accumulent, se transforment en une masse informe d’angoisses contenues et qui se traduisent par différents symptômes : somatisation, manque de sommeil, dépression, dépendances, et autres joies néolibérales. Puis le week-end arrive et avec lui la possibilité d’un au-delà. La fête, dans son essence ambivalente, peut dès lors se faire l’écrin de deux dynamiques contradictoires : d’une part, elle engendre des espaces de catharsis où l’expression des corps et la quête de liberté trouvent un terrain d’épanouissement ; d’autre part, elle se mue en instrument de neutralisation des contestations, étouffant les élans subversifs sous les rouages bien huilés d’événements lucratifs, pour circonscrire tout risque de révolte et faire, de nos lundis, des zones grises de morne résignation. Continuer de lire La fête : émanciper ou neutraliser les foules ?

« On ne peut rien y faire » : comment rompre avec le fatalisme et l’indifférence ?

Les structures d’oppression et les logiques de domination s’exercent avec une intensité variable selon les rapports de classe, de genre ou les catégorisations raciales qui façonnent nos trajectoires sociales. Pourtant, les dynamiques d’émancipation, qu’elles soient individuelles ou collectives, participent à la reconfiguration des rapports de force et influencent le cours de l’histoire. Cet article se veut un modeste outil critique contre le fatalisme et l’indifférence, à l’heure où les formes les plus obscures du pouvoir cherchent à réaffirmer leur emprise sur le monde. Continuer de lire « On ne peut rien y faire » : comment rompre avec le fatalisme et l’indifférence ?

Faut-il quitter les réseaux sociaux ?

Le rapprochement entre les grandes entreprises technologiques et l’extrême droite, notamment aux États-Unis, illustre une convergence d’intérêts fondée sur une logique de prédation. Initialement associées à une vision libérale démocratique, ces entreprises, incarnées par Meta, Google, Microsoft, Amazon ou encore X, ont basculé vers une alliance stratégique avec des courants autoritaires. Cette mutation repose sur leur modèle économique : capturer des données personnelles pour les transformer en profit, tout en s’appuyant sur une consommation effrénée de ressources matérielles et énergétiques. Continuer de lire Faut-il quitter les réseaux sociaux ?

Article mis en avant

Ne pas aimer noël

Sous son apparente période de réjouissances collectives, Noël incarne le paroxysme d’un rituel capitaliste où la convivialité se trouve ensevelie sous une masse critique de gadgets inutiles et d’incohérences morales. Les inégalités, plus marquées que jamais, l’obsession de la croissance dans un monde aux ressources finies, l’injonction à la normalité au sein de l’instance familiale, participent à cette sensation généralisée de malaise. Si nombreu-ses y croient encore, l’illusion opère de moins en moins et invite à repenser les manifestations de joie partagée comme des moments de réciprocité, de consentement et de sobriété où le simple plaisir de se retrouver se suffit à lui-même. Continuer de lire Ne pas aimer noël

Faut-il prendre l’astrologie au sérieux ?

La méthodologie scientifique repose sur une quête de compréhension du monde par des méthodes rigoureuses. Son objectif est d’élaborer des théories vérifiables et falsifiables, c’est-à-dire des hypothèses qui peuvent être testées par des expériences et observées dans le monde réel.

En revanche, l’astrologie et l’horoscope se fondent sur des croyances symboliques et mythologiques. Leur objectif principal est souvent de donner du sens aux événements de la vie quotidienne et d’offrir des conseils sur la façon de s’y préparer. Tant que son usage n’a pas pour but d’invisibiliser des enjeux politiques ou d’avoir une emprise sur des personnes précaires ou fragiles psychologiquement, elle ne pose pas de problèmes et peut même se révéler fertile pour nos imaginaires. Continuer de lire Faut-il prendre l’astrologie au sérieux ?

Procrastination et rentabilité : le temps mort c’est de l’argent ?

En neurosciences comme en sciences humaines, de nombreuses études tendent à démontrer que la procrastination est une réaction face à l’absurdité d’injonctions contradictoires ou absurdes. Car, mêmes nos temps morts, au lieu de permettre une véritable déconnexion ou un espace de réflexion, sont aujourd’hui rentabilisés à travers des plateformes et des réseaux sociaux, monétisant chacune de nos interactions. Continuer de lire Procrastination et rentabilité : le temps mort c’est de l’argent ?

Pourquoi les médiocres sont-ils obsédés par l’« ordre » ?

L’obsession pour l’ordre est un trait récurrent dans l’histoire, où l’invocation d’un besoin de stabilité et de sécurité justifie souvent des politiques répressives, l’érosion des libertés et la concentration du pouvoir. On ne parle pas ici de bien ranger sa maison, d’être organisé-e dans son agenda, ponctuel-le à ses rendez-vous, rigoureu-se dans son travail ou méticuleu-se dans le ménage, mais bien d’imposer, aux autres et sans leur consentement, un ordre très relatif, par crainte que soit démasquée une pensée médiocre et nombriliste. Continuer de lire Pourquoi les médiocres sont-ils obsédés par l’« ordre » ?

Contre le techno-féodalisme : abolir la propriété numérique ?

Le terme techno-féodalisme fait référence à un concept économique et social qui critique la structure des sociétés modernes, en particulier dans le contexte des grandes entreprises technologiques et de leur pouvoir croissant. Il dépeint une situation où, malgré les apparences de démocratisation offertes par le numérique et la promesse d’un capitalisme plus inclusif, un petit nombre d’acteurs — principalement les géants de la tech — exerce un contrôle disproportionné sur l’économie, la politique et la société, de manière semblable à la structure féodale du Moyen Âge. Continuer de lire Contre le techno-féodalisme : abolir la propriété numérique ?

Von Papen : le centriste qui aida les nazis à prendre le pouvoir

Né en 1879 dans une famille aristocratique catholique prussienne, von Papen a d’abord servi comme officier de cavalerie dans l’armée impériale allemande. Il a ensuite occupé divers postes diplomatiques, notamment en tant qu’attaché militaire aux États-Unis pendant la Première Guerre mondiale. Après la guerre, von Papen s’est engagé en politique en rejoignant le Parti du Centre (Zentrum), un parti de centre droit, conservateur et catholique. … Continuer de lire Von Papen : le centriste qui aida les nazis à prendre le pouvoir