Se décentrer pour déconstruire les privilèges

Dans un contexte où les classes dirigeantes sont totalement déconnectées de la réalité sociale vécue par la majorité des citoyen-nes, la question de la légitimé à pouvoir représenter le peuple ou les salariés devrait relever de ce que les sciences sociales appellent le « décentrage » ou « décentrement ». On pourrait alors imaginer, dès la majorité atteinte, des stages en immersion, permettant aux plus privilégié-es de ressentir concrètement et dans leur chair, leur obsession abstraite pour la valeur travail et le mérite. L’image d’un héritier extirpé du lit aux aurores pour labourer les champs n’aurait-elle pas, à elle seule, le pouvoir d’adoucir quelques crispations sociales ? Continuer de lire Se décentrer pour déconstruire les privilèges

On ne naît pas misandre, on le devient

Je me pensais féministe. Je pensais que parler fort, boire « comme un homme », baiser, me battre. Bref, être une dure à cuire… je pensais que c’était ça, être féministe. Mais j’ai compris qu’avoir une grande gueule et faire du bruit c’était aussi parler plus fort que les autres femmes. Et qu’en pensant m’affranchir d’une certaine “féminité”, j’allais en réalité exactement là où les hommes attendaient que je sois… Continuer de lire On ne naît pas misandre, on le devient

Festival Les Résistantes 2025 : « Il est temps de devenir de véritables allié⸱es »

Si le programme du festival, qui a été construit à 140 mains, a permis une diversité des sujets sur le papier, les réflexes et micro-agressions racistes ont repris le dessus dans l’articulation de certains temps, dans les usages des différents espaces, et dans les interactions entre festivalier⸱ères et intervenant⸱es. Au point où, pendant la plénière de clôture un collectif autoformé de personnes racisé⸱es s’est exprimé spontanément pour dire sa colère et son malaise. Alors qu’est-ce qu’on peut faire, en tant que personne blanche, pour devenir de véritables alliées ? Continuer de lire Festival Les Résistantes 2025 : « Il est temps de devenir de véritables allié⸱es »

La Ferme des Sœurs : Paysannerie Queer et Féministe

Ce mois-ci, notre curiosité nous a mené-e-s en Haute-Vienne, au cœur des paysages vallonnés du Limousin, pour une immersion d’une semaine en wwoofing à la Ferme des Sœurs. Là-bas, Auriane nous a fait découvrir les principes subtils de la gemmothérapie, la puissance émancipatrice des jardins-forêts et la richesse de l’agriculture syntropique. On peut qualifier son projet de radical — au sens étymologique du terme, car trop souvent galvaudé dans son usage — où les convictions prennent racine. Il s’ancre dans un territoire rural souvent caricaturé, loin des clichés condescendants ou des fantasmes urbains, mais avec une lucidité politique reliée à l’intime. En tissant des réseaux paysans de solidarité queer et féministes, Auriane façonne, avec d’autres acteur-ices, une micro-société où se réinventent les rythmes, les liens, les manières de faire et d’habiter le monde. Une ferme, une forêt, des bourgeons… et l’esquisse d’un avenir qui résiste à l’assignation des territoires à n’être que des réservoirs de ressources ou des angles morts des politiques publiques au service de la rentabilité. Continuer de lire La Ferme des Sœurs : Paysannerie Queer et Féministe

Crépuscule hégémonique et sursaut autoritaire : quand les élites résistent à leur déclin

Actuellement, les réseaux de diffusion d’informations, qu’ils soient traditionnels ou numériques, appartiennent majoritairement à des acteur-ices économiques qui défendent leurs propres intérêts de classe. Ces milliardaires, en investissant dans les médias, ne se contentent pas d’exercer une influence purement économique ; ils cherchent à assurer la perpétuation d’un récit historique souvent empreint de visions colonialistes, racistes, misogynes et inégalitaires (vous savez très bien de qui on veut parler). Ce récit, qui s’est longtemps présenté comme le fondement d’un ordre établi, trouve ici un terrain favorable pour se perpétuer, les réseaux de communication jouant un rôle central dans la formation de l’opinion publique et la diffusion de valeurs conservatrices.

Toutefois, même si le discours dominant est soigneusement élaboré et diffusé à grande échelle, ses effets ne semblent pas totalement implacables face aux mutations sociétales. Les travaux récents en sociologie montrent que cette hégémonie rencontre des résistances significatives, notamment à travers la multiplication des voix alternatives et des réseaux de dissidence. Continuer de lire Crépuscule hégémonique et sursaut autoritaire : quand les élites résistent à leur déclin

Relations Parasociales : les influenceur-euses ne sont pas vos ami-es

Les relations parasociales désignent un type de lien unilatéral qui se développe entre un individu et une figure publique ou médiatisée. Contrairement à une interaction sociale bidirectionnelle, la relation parasociale n’implique aucun échange véritable : la personne investit émotionnellement dans une figure qui, en retour, ne connaît ni son existence ni sa réalité subjective. Ce phénomène trouve dans les réseaux sociaux contemporains un terreau particulièrement fertile. Continuer de lire Relations Parasociales : les influenceur-euses ne sont pas vos ami-es

Pourquoi tous vos potes veulent courir des marathons ?

Un phénomène étrange s’est imposé au fil des dernières décennies : la multiplication des marathons et des défis sportifs extrêmes. Jadis réservée à une élite d’athlètes, la course de fond est devenue une pratique courante, un rite de passage presque incontournable pour nombre d’individus en quête d’accomplissement personnel. Mais pourquoi un tel engouement ? Que révèle cette soif de dépassement physique sur notre époque ? Continuer de lire Pourquoi tous vos potes veulent courir des marathons ?

La fête : émanciper ou neutraliser les foules ?

La fête s’impose aujourd’hui comme un étrange sanctuaire, un moment où les frustrations accumulées au fil des jours s’évaporent dans le tumulte de la musique et de verres qui s’entrechoquent. Au bureau, dans l’usine, à l’école, à la maison, souvent face à un écran, l’individu moderne endure l’inertie d’un monde où tout semble déjà joué. Les politiques, perçues à raison comme déconnectées, méprisantes et cyniques, s’ajoutent à ce sentiment d’impuissance encombré de catastrophes écologiques inéluctables. Chaque semaine, ces tensions se cristallisent, s’accumulent, se transforment en une masse informe d’angoisses contenues et qui se traduisent par différents symptômes : somatisation, manque de sommeil, dépression, dépendances, et autres joies néolibérales. Puis le week-end arrive et avec lui la possibilité d’un au-delà. La fête, dans son essence ambivalente, peut dès lors se faire l’écrin de deux dynamiques contradictoires : d’une part, elle engendre des espaces de catharsis où l’expression des corps et la quête de liberté trouvent un terrain d’épanouissement ; d’autre part, elle se mue en instrument de neutralisation des contestations, étouffant les élans subversifs sous les rouages bien huilés d’événements lucratifs, pour circonscrire tout risque de révolte et faire, de nos lundis, des zones grises de morne résignation. Continuer de lire La fête : émanciper ou neutraliser les foules ?

« On ne peut rien y faire » : comment rompre avec le fatalisme et l’indifférence ?

Les structures d’oppression et les logiques de domination s’exercent avec une intensité variable selon les rapports de classe, de genre ou les catégorisations raciales qui façonnent nos trajectoires sociales. Pourtant, les dynamiques d’émancipation, qu’elles soient individuelles ou collectives, participent à la reconfiguration des rapports de force et influencent le cours de l’histoire. Cet article se veut un modeste outil critique contre le fatalisme et l’indifférence, à l’heure où les formes les plus obscures du pouvoir cherchent à réaffirmer leur emprise sur le monde. Continuer de lire « On ne peut rien y faire » : comment rompre avec le fatalisme et l’indifférence ?

Article mis en avant

Ne pas aimer noël

Sous son apparente période de réjouissances collectives, Noël incarne le paroxysme d’un rituel capitaliste où la convivialité se trouve ensevelie sous une masse critique de gadgets inutiles et d’incohérences morales. Les inégalités, plus marquées que jamais, l’obsession de la croissance dans un monde aux ressources finies, l’injonction à la normalité au sein de l’instance familiale, participent à cette sensation généralisée de malaise. Si nombreu-ses y croient encore, l’illusion opère de moins en moins et invite à repenser les manifestations de joie partagée comme des moments de réciprocité, de consentement et de sobriété où le simple plaisir de se retrouver se suffit à lui-même. Continuer de lire Ne pas aimer noël

Faut-il prendre l’astrologie au sérieux ?

La méthodologie scientifique repose sur une quête de compréhension du monde par des méthodes rigoureuses. Son objectif est d’élaborer des théories vérifiables et falsifiables, c’est-à-dire des hypothèses qui peuvent être testées par des expériences et observées dans le monde réel.

En revanche, l’astrologie et l’horoscope se fondent sur des croyances symboliques et mythologiques. Leur objectif principal est souvent de donner du sens aux événements de la vie quotidienne et d’offrir des conseils sur la façon de s’y préparer. Tant que son usage n’a pas pour but d’invisibiliser des enjeux politiques ou d’avoir une emprise sur des personnes précaires ou fragiles psychologiquement, elle ne pose pas de problèmes et peut même se révéler fertile pour nos imaginaires. Continuer de lire Faut-il prendre l’astrologie au sérieux ?

L’invention du concept de nation

L’invention du concept de nation est une évolution historique complexe qui a pris forme au fil des siècles, influencée par des dynamiques sociales, politiques et technologiques diverses. Cette notion, loin d’être immuable, se trouve souvent instrumentalisée au profit des classes dominantes, imposant un récit commun et occultant d’autres imaginaires bafoués. Continuer de lire L’invention du concept de nation

Capital Culturel, Économique, Social et Symbolique

Pierre Bourdieu, sociologue majeur du XXe siècle, a développé une théorie des capitaux dans le cadre de sa sociologie de la distinction et de la reproduction sociale. Pour Bourdieu, les inégalités sociales ne se réduisent pas uniquement à des différences de richesse économique ; elles s’enracinent également dans des formes de capitaux non économiques qui participent à structurer la position des individus dans l’espace social. Il identifie ainsi quatre formes principales de capitaux : le capital économique, le capital culturel, le capital social et le capital symbolique. Ces capitaux peuvent être convertibles entre eux sous certaines conditions, et ils jouent un rôle fondamental dans la reproduction des hiérarchies sociales. Continuer de lire Capital Culturel, Économique, Social et Symbolique

Espaces Liminaires : un seuil entre deux mondes

En sciences sociales, un espace liminaire désigne une zone ou une phase de transition située entre deux états, deux statuts sociaux, ou deux cadres institutionnels. Le terme « liminaire » dérive du latin limen, signifiant « seuil ». Il s’agit donc d’un moment ou d’un lieu de passage, où les repères habituels sont suspendus ou reconfigurés, ouvrant ainsi la voie à des transformations identitaires, sociales ou symboliques. Continuer de lire Espaces Liminaires : un seuil entre deux mondes

Société du Spectacle

La notion de « société du spectacle » est introduite par Guy Debord en 1967 dans un ouvrage éponyme qui s’impose comme une œuvre charnière de la pensée critique contemporaine. Pour lui, le capitalisme n’a pas seulement colonisé le travail ou les marchandises : il a conquis les consciences, les affects et les imaginaires, en produisant un monde où tout devient représentation, où le réel est supplanté par sa mise en scène. Continuer de lire Société du Spectacle