La méthodologie scientifique repose sur une quête de compréhension du monde par des méthodes rigoureuses. Son objectif est d’élaborer des théories vérifiables et falsifiables, c’est-à-dire des hypothèses qui peuvent être testées par des expériences et observées dans le monde réel.
En revanche, l’astrologie et l’horoscope se fondent sur des croyances symboliques et mythologiques. Leur objectif principal est de donner du sens aux événements de la vie quotidienne et d’offrir des conseils sur la façon de s’y préparer. Tant que leur usage n’a pas pour but d’invisibiliser des enjeux politiques ou d’avoir une emprise sur des personnes précaires ou fragiles psychologiquement, elles ne posent pas de problèmes et peuvent même se révéler fertiles pour nos imaginaires.
Les sciences humaines dérangent car elles mettent à nue les structures sociétales ainsi que celles et ceux qui en récoltent les privilèges.
Oui les planètes et les étoiles ont bien un impact sur les êtres humains
L’influence gravitationnelle la plus notable sur les êtres humains vient de la Terre elle-même, qui nous maintient ancrés au sol, et de la Lune, dont la gravité exerce une influence mesurable sur les marées. L’orbite terrestre résulte d’un équilibre délicat entre les forces gravitationnelles exercées par le Soleil, les planètes voisines et d’autres objets dans le cosmos. Le soleil lui-même, tire son mouvement grâce aux autres étoiles, qui elles-mêmes gravitent autour d’un trou noir supermassif appelé Sagittarius A situé au centre de la Voie lactée.
Ces mouvements s’inscrivent dans une dynamique plus vaste, où la galaxie est en perpétuelle interaction avec d’autres galaxies, tout ça prenant place dans un univers observable de 93 milliards d’années lumières de diamètre… Croire que cette infinité d’étoiles indifférentes vont influencer notre journée au travail ou notre sortie à la piscine est légèrement anthropocentré.
Si nous retirions le soleil de son système, la trajectoire des planètes s’en trouverait modifiée, jusqu’à ce qu’elles entrent dans le champ gravitationnel d’un autre corps céleste suffisamment massif mais, vous seriez mort-es bien avant, peu importe si vous êtes Verseau ou Scorpion ascendant Capricorne.
Il est vrai que nul ne saurait démontrer avec certitude que la gravité ou les ondes électromagnétiques sont dénuées de toute influence sur la condition humaine. Pourtant, l’absence de preuve n’est pas l’éclat d’une vérité (et c’est sur ce terreau stérile que poussent les mauvaises herbes du complotisme), et si les sciences, armées de leur rigueur méthodique, n’ont su en révéler les mystères, comment attendre des astrologues, dans l’opacité de leurs conjectures, qu’ils éclairent ce que même la raison la plus affûtée peine à discerner ?
L’effet Barnum
L’effet Barnum, aussi appelé effet Forer, est un biais psychologique qui explique en grande partie pourquoi tant de personnes trouvent les descriptions astrologiques étonnamment pertinentes. Ce phénomène, mis en lumière dans les années 1940 par le psychologue Bertram Forer, décrit notre tendance à interpréter des déclarations générales, vagues et applicables à un grand nombre de personnes comme étant spécifiquement adaptées à nous-mêmes.
Par exemple, un horoscope peut vous décrire comme quelqu’un de « sensible et intuitif » tout en précisant que vous savez également « vous montrer fort et rationnel dans les situations critiques. » Ces énoncés sont suffisamment ambivalents pour que chaque individu puisse y trouver des traits qui lui semblent vrais, mais en réalité, ils pourraient s’appliquer à presque n’importe qui. Cet usage de caractéristiques communes mais énoncées de manière nuancée pousse les gens à ressentir que l’astrologie leur parle directement, créant une impression de pertinence personnelle.
L’effet Barnum est amplifié par un autre biais psychologique : le biais de confirmation, qui nous conduit à chercher et à valoriser les informations qui confirment nos croyances tout en ignorant les contradictions. Lorsqu’une description astrologique semble s’appliquer à nous, nous avons tendance à nous souvenir des détails qui résonnent avec notre image de nous-mêmes et à passer sous silence les éléments qui pourraient ne pas correspondre. En combinant les effets Barnum et de confirmation, l’astrologie devient une expérience de validation personnelle qui renforce les croyances des lecteurs dans la précision des prédictions astrologiques.
L’astrologie : une quête de sens face au vide laissé par les instances religieuses ?
Dans une perspective nietzschéenne, la « mort de Dieu » symbolise le déclin des grandes structures métaphysiques et religieuses qui donnaient un sens transcendant à l’existence humaine. Avec ce déclin, Nietzsche expose un vide existentiel : sans un ordre divin ou un récit absolu pour guider l’humanité, la vie semble privée de signification intrinsèque. Dans ce contexte, l’astrologie pourrait être envisagée comme une tentative, bien que limitée, de combler ce vide en réintroduisant une forme de déterminisme cosmique et de transcendance symbolique.

L’astrologie, en proposant que les mouvements des astres influencent la vie terrestre, crée une structure de sens où l’individu est inscrit dans un ordre plus vaste. Cette vision peut séduire dans un monde désenchanté par la rationalité scientifique, en offrant une alternative poétique à l’angoisse de la contingence. Là où les grandes religions assignaient un rôle divin à l’existence humaine, l’astrologie suggère que notre destin est écrit dans les étoiles, réenchantant le cosmos avec une intentionnalité symbolique.
Nietzsche, cependant, pourrait voir cette résurgence d’une croyance transcendante comme une manifestation de ce qu’il appelle l’esprit de ressentiment. L’astrologie, en réimposant un ordre prédestiné, pourrait être interprétée comme un refus de l’individu d’assumer la responsabilité radicale de sa propre liberté et de son volonté de puissance. En lieu et place de créer ses propres valeurs, le sujet astrologique s’en remet à une autorité extérieure, certes cosmique et non divine, mais néanmoins structurante.
Cela dit, l’astrologie pourrait également être interprétée, de manière plus favorable, comme une tentative esthétique et symbolique de réinvestir le monde de beauté et de mystère. Nietzsche, qui valorise l’art comme un moyen de transcender le nihilisme, pourrait reconnaître dans l’astrologie une expression artistique du besoin humain de vivre dans un univers porteur de significations. En ce sens, elle participe d’une dynamique similaire à celle qu’il associe au Dionysiaque : une réponse à l’absurde par une célébration imaginative et créative de la vie.
Toutefois, si l’astrologie prétend se substituer à une philosophie de l’affirmation pure — celle qui invite à dire « oui » à la vie telle qu’elle est, dans son chaos et son absence de but —, Nietzsche la critiquerait comme une nouvelle forme de fuite face au tragique de l’existence. Il opposerait à cette démarche l’idée de l’éternel retour, qui exige que l’on assume pleinement et joyeusement la répétition éternelle de toute chose, sans besoin de justifications cosmologiques.
Pourquoi il ne faut pas se moquer de l’astrologie pour autant ?
Malgré tout, il est condescendant de tourner l’horoscope en dérision. L’astrologie, comme toute forme de croyance, peut être perçue comme une façon poétique d’expliquer le monde (et parfois, il est vrai, des intuitions poétiques sont vérifiées scientifiquement).
Les croyances, qu’elles soient religieuses, astrologiques ou ésotériques, ont de tout temps joué un rôle essentiel dans la manière dont l’humanité tente de donner du sens à l’existence et de combler les vides existentiels.
Ces systèmes de pensée offrent des récits qui apportent un cadre explicatif face aux grandes questions de l’existence : « Pourquoi sommes-nous ici ? Quel est le but de la vie ? Que se passe-t-il après la mort ? ». Même si la science a permis d’énormes avancées dans la compréhension du cosmos, elle ne comble pas toutes les aspirations humaines, en particulier dans les domaines métaphysiques et spirituels.

La théorie du Big Bang, largement acceptée par la communauté scientifique, décrit avec une grande précision l’évolution de l’univers à partir d’un état initial d’extrême densité et de chaleur. Cependant, malgré les avancées dans notre compréhension des lois physiques qui ont suivi cette explosion primordiale, le « pourquoi » reste énigmatique. Pourquoi cet événement s’est-il produit ? Qu’est-ce qui l’a déclenché, s’il a même eu un déclencheur ? Et que s’est-il passé avant ce moment initial ?
Astrologie ou religion, l’absence de réponse définitive concernant l’existence ou non de Dieu est au cœur de ce besoin de combler le vide. En effet, bien que la science permette de comprendre le « comment » du monde (comment fonctionne la gravité, comment se forment les étoiles, etc.), elle reste muette sur le « pourquoi » ultime.
En attribuant nos actions et nos personnalités à des influences cosmiques – à des forces qui échappent à notre contrôle –, l’astrologie soulage l’individu de la pleine responsabilité de son destin, et apaise les angoisses existentielles. Le fait que de nombreux adeptes de l’horoscope admettent ne pas y croire littéralement, mais le consultent tout de même, montre que ces croyances peuvent aussi jouer un rôle ludique ou poétique dans notre quête de sens. Et c’est tout à fait OK.
Pourquoi faut-il tout de même se méfier et poser des limites ?
Si votre ex était « intense », possessif-ve, jaloux-se, intrusif-ve, vous dévalorisait et vous manipulait constamment, ce n’est pas parce qu’iel était cancer ascendant poisson, mais parce qu’iel était toxique et qu’il fallait effectivement s’en éloigner (de rien pour le conseil, c’est gratuit).
Les croyances astrologiques, lorsqu’elles prennent le dessus sur la réflexion rationnelle et critique, peuvent détourner les individus des véritables causes de leurs malheurs et des inégalités qui les frappent. Plutôt que de réfléchir aux origines psychologiques, sociales, économiques et politiques de leurs difficultés, certains peuvent se réfugier dans des explications irrationnelles qui occultent les problèmes structurels.
Les charlatans voire les gourous dans des cas plus extrêmes, profitent de cette dynamique pour vendre des solutions simplistes à des personnes qui se trouvent déjà fragilisées. Cela est comparable, dans une certaine mesure, aux impostures du développement personnel, qui tend souvent à invoquer “la motivation”, “l’ambition” ou encore “la détermination” pour surpasser des inégalités sociales bien souvent insurmontables.
Des phénomènes telles que la précarité, la discrimination ou la crise écologique ne peuvent être analysées sous l’angle d’un agencement stellaire défavorable ou d’un manque de « volonté ». A contrario, un horoscope ou un tuto pour « regagner sa motivation en 30 jours » ne remettront jamais en cause l’ordre établi, mieux, ils le valideront en imputant la charge mentale d’un système dysfonctionnel aux victimes.
Dans un monde où l’incertitude domine, il est aisé pour des personnes mal intentionnés d’exploiter la vulnérabilité des personnes en quête de réponses et de réconfort. Les horoscopes, les lectures astrologiques et autres pratiques divinatoires, lorsqu’ils sont manipulés par des escrocs, deviennent des instruments qui éloignent les gens des vraies sources de leurs problèmes (et une prise en charge par des professionnel-les de santé compétent-es).
Que toutes ces précautions ne fassent pas pour autant disparaître la poésie et l’imaginaire ; bien au contraire. Malgré notre désir de tout expliquer, il existe de nombreux mystères à explorer, des dimensions inaccessibles, enrichissant notre quête de sens et notre expérience humaine. La Science, quand elle est trop aride, n’est plus que technique. Et c’est justement la technique et son insensibilité qui est en train de détruire le vivant dans son ensemble. La Science n’est jamais plus inventive que lorsqu’elle s’abreuve de nos imaginaires, de nos croyances et de nos fictions.
Alors l’horoscope, oui, pourquoi pas, à condition de ne pas oublier que Donald Trump est Gémeaux ascendant Lion, ce qui explique tout de même pas mal de choses…
Article proposé par Corpus
En savoir plus sur Contremag
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
Super article !
J’aimerais nuancé en ajoutant :
C’est dommage d’amalgamer l’astrologie multiséculaire occidentale, indienne ou encore chinoise, avec les horoscopes de magasine. C’est un art suffisamment complexe pour être précis et utile pour chaque personne, loin de l’effet Barnum. De plus, les astrologues expérimentés disent tous que les astres ne déterminent pas, ils proposent, tu disposes. Il y est question d’équilibre entre des polarités, de cycle, d’expérience à faire. Pas de vérité toute faite, à chacun son « pourquoi » 🙂
Et à propos du Big Bang, si cette théorie fait encore consensus, elle est de plus en plus remis en question, pour différentes raisons (postulat érronés, problème de mesure, énergie et matière noires non expliquées, et nouvelles découvertes). Des alternatives sont en développement comme la théorie de l’univers cyclique ou du Big Crunch.
Mais je chipote ! Tout ceci ne contredis cette idée que vous avancez : je parle du comment, mais le pourquoi demeure mystérieux !
Super article !
J’aimerais nuancer en ajoutant :
C’est dommage d’amalgamer l’astrologie multiséculaire occidentale, indienne ou encore chinoise, avec les horoscopes de magazine. C’est un art suffisamment complexe pour être précis et utile pour chaque personne, loin de l’effet Barnum. De plus, les astrologues expérimentés disent tous que les astres ne déterminent pas. Ils proposent, tu disposes. Il y est question d’équilibre entre des polarités, de cycle, d’expérience à faire. Pas de vérité toute faite, à chacun son « pourquoi » 🙂
Et à propos du Big Bang, si cette théorie fait encore consensus, elle est de plus en plus remise en question, pour différentes raisons (postulat erronés, problème de mesure, énergie et matière noires non expliquées, et nouvelles observations). Des alternatives sont en développement comme la théorie de l’univers cyclique ou du Big Crunch.
Mais je chipote ! Tout ceci ne contredit cette idée que vous avancez : je parle du comment, mais le pourquoi demeure mystérieux !
Merci pour votre commentaire. Il s’était perdu dans les limbes du tableau de modération…
Effectivement, nous ne prenons peut être pas le temps de différencier les formes d’astrologie existantes et leurs usages dans cet article mais, comme vous l’aurez compris, nous en reconnaissons la valeur créative voire spirituelle.
La science n’a pas réponse à tout et heureusement. Car la science, sans la poésie, l’art et les croyances, serait quelque peu aride voire parfois dangereuse quand elle se coupe des émotions et de l’instinct.
Quant à la théorie du Big Bang, vous avez « en face de vous » un fan d’astrophysique, je me permets donc de réfuter, partiellement, votre propos 🙂 :
Le Big Bang n’est pas tant remit en cause dans ses grandes lignes que sans cesse précisé, ajusté, voire complété (et il subsiste des parts d’ombre). D’un point de vue empirique, le modèle du Big Bang est soutenu par un faisceau de preuves considérables.
La matière noire, que vous citez, s’insère même harmonieusement dans le cadre théorique du Big Bang, et en constitue même un élément essentiel pour comprendre l’évolution de l’univers depuis ses origines (que je ne développerai pas ici, ça serait trop long ah ah).
Mais vous avez raison, il existe plusieurs énigmes quant au Big Bang. L’une des plus débattues concerne la constante de Hubble, c’est-à-dire le taux d’expansion de l’univers. Certaines hypothèses alternatives ou complémentaires ont été proposées. La plus célèbre est sans doute celle de l’univers inflationnaire, introduite par Alan Guth dans les années 80, qui postule une phase d’expansion exponentielle extrêmement rapide juste après le Big Bang, permettant d’expliquer l’homogénéité du cosmos à grande échelle.
D’autres modèles vont plus loin et remettent en question le cadre même du Big Bang. Le modèle cyclique ou ekpyrotique, vous en parlez. La théorie du rebond quantique, issue de la gravité à boucles, suppose que le Big Bang n’est pas une origine absolue mais le point de rebond d’un univers en contraction. En aucun cas ces théories, dont le Big Crunch, ne contredisent le Big Bang ; au contraire, elles en constituent un prolongement logique possible. Le modèle du Big Bang ne décrit pas une explosion au sens classique dans un espace vide, mais une expansion de l’espace où les lois physiques telles que nous les connaissons cessent d’être applicables.
Le Big Crunch s’appuie sur les équations d’Einstein issues de la relativité générale, en les prolongeant dans le futur. Ce qui distingue donc le Big Crunch du Big Bang, ce n’est pas un désaccord théorique fondamental, mais la temporalité et la direction du processus cosmique. Le Big Bang est une hypothèse sur le passé très ancien de l’univers, fondée sur des observations empiriques ; le Big Crunch est une hypothèse sur le futur lointain de l’univers, fondée sur des projections théoriques.
Surtout, le Big Crunch n’est pas une idée réfutée, mais elle est aujourd’hui largement mise en retrait dans le cadre du consensus scientifique actuel, qui repose sur des observations privilégiant un univers en expansion accélérée et non un effondrement :).